Creep de Radiohead: un succès vraiment « original »?

« Creep » est certainement le titre le plus connu de Radiohead. Ce morceau est inspiré par le béguin que

le jeune Thom Yorke a pour une fille issu d’un milieu huppé inaccessible. Il aborde le mal-être, la dévalorisation de soi, et l’amour déçu (mais pas la lutte des classes, non). Vous l’aurez compris, on nage ici en plein bonheur juvénile. Il n’y a qu’à jeter un œil sur les paroles pour s’en convaincre : « I’m a creep / I’m a weirdo / What the hell am I doing here ? / I don’t belong here ». Ah l’adolescence! Cette dépression de basse intensité…

Pour autant, le single sorti en septembre 1992 ne rencontre pas le succès escompté en Grande-Bretagne. Il faut attendre que le DJ Yoav Kutner, tombé raide dingue du morceau, la passe en boucle à la radio pour que « Creep » devienne un hit en Israël puis dans le reste du monde. À tel point qu’il bénéficiera d’une seconde sortie en single.

Hymne d’une génération d’ados post-grunge, le groupe est dépassé par le succès planétaire de la chanson. Le public se pressant au concert uniquement pour l’entendre, Radiohead en viendra alors à bannir ce titre de son set live à la fin des années 90.

25 ans plus tard le hit maudit refait parler de lui, lorsque Lana del Rey sort son Lust for life. Elle est alors accusé par le groupe de plagiat. Il faut dire que la ressemblance est plus que troublante…

Oui, mais il y a un mais. Tout d’abord, la chanson est inspirée par un morceau des Holies The Air That I Breathe sorti en 1974 et composé par Albert Hammond et Mike Hazlewood. Au moins Radiohead aura l’honnêteté de les créditer (les avocats d’EMI, la maison de disques, ont eu le nez creux sur ce coups-là).

En fait, le morceau est basé sur une suite de quatre accords qui tourne en boucle : Sol, Si, Do puis Do mineur ce qui a pour effet d’amener une tension avant le retour en Sol. Vous pouvez aussi penser le morceau ainsi : Ier degré, Sous-dominante (l’accord de Si se substitue à un Mi), dominante (idem pour le Do avec Fa) et enfin modulation de la dominante en mineure. Et là vous êtes tellement troublé que je vous ai perdu…

Pourtant, croyez moi rien d’original dans cette série harmonique. On peut même parler d’une forme de « standard » pour faire référence au jazz. Du reste, écoutez le début de « All Of Me » par Ella Fitzgerald ou encore « Aline » de Christophe, c’est limpide non?

Pour finir, penchons nous sur le refrain « Space Odity » de David Bowie en chantant « Creep », avouez qu’il y a comme un air de famille, non? Oui c’est vrai, Bowie revient majeur, mais ne chipotez pas Major Thom…

Du côté de la basse pas de grandes surprises, Colin Greenwood suit la guitare tout en marquant la grosse caisse : efficace. Un morceau parfait pour les débutants.

Au final que le morceau soit ou non un original n’importe pas en réalité. Ce qui compte c’est l’émotion qu’il délivre, ce que l’on ressent quand on l’écoute ou le joue. Tant que ce n’est pas en boucle votre santé mentale n’est pas en danger.

Sinon aux dernières nouvelles, Yoav Kutner est en analyse mais seulement depuis 25 ans, encore un an et il essaie Lourdes.

Rendez-vous bientôt avec une chanson remplie de joie et d’estime de soi avec « Looser » de Beck et son refrain plein d’entrain « So un perdidor / I’m a losser baby / so why don’t you kill me? » En attendant voici mon cover sans quasiment l’accompagnement, les ayants droits de « Creep » bloquent toute diffusion, pas très sport les pirates…

Merci au site radiohead.fr et Pierre Do pour leurs précieuses informations.